Ohé matelot ! Quelques pérégrinations en voiliers

Ohé matelot !    Quelques pérégrinations en voiliers

En Ecosse – Mercredi 7 août 2013 – De Canna à Talisker (Skye) - 25 milles

Balade à terre à travers les prés sur cette île minuscule qui abrite quelques maisons et offre ses falaises aux vents du large. Nous marchons sur une terre élastique recouverte d’herbe grasse.

 

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Sur l'île de Canna

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On aperçoit quelques habitants qui prennent le soleil ou qui vaquent à leurs occupations. Une école ! Instituteur à Canna… Une sinécure ? Combien d’enfants peut-il y avoir ici ? Quelle peut-être leur vision du monde ? Je me demande s’ils vivent en parfaite communion avec la nature ou s’ils passent tout l’hiver dans la pénombre presque sans sortir, à l'abri des pluies et du froid devant des consoles et des écrans d’ordinateur ou de télévision…

Départ, et cette fois le vent est là. Au près mais on fait de la voile…

 

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 Les falaises de Canna

 

En approchant de la côte de Skye, le vent adonne et on se rapproche de la route directe mais pas pour longtemps. Nous voilà repartis à tirer des bords de plus en plus désastreux mais à force de persévérance on atteint l’entrée du loch. Deux fois la distance, trois fois le temps… Et là le vent monte d’un coup. Effet venturi dans l’entrée du loch ? Ça penche de plus en plus ! Les filles s'inquiètent un peu. Le pilote perd le nord. On choque, on prend un ris, on enroule le génois avec notre enrouleur qui coince. Je n’en peux plus !...

 

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Skye, l'île montagneuse

 

Mais ça se calme enfin et on s’enfonce pendant sept milles à l’intérieur d’un immense loch ! Au fond, la distillerie Talisker, et juste à côté, une maison blanche avec terrasse qui arbore une jolie banderole annonçant « PUB, CRUB, TUB ». Ça paraît tout à fait convenable et on mouille devant.

Bonne surprise en débarquant, ce soir, c'est le « traditionnal wednesday » avec les musiciens du cru. Le pub est bondé et l’ambiance surchauffée. Tout le monde boit, discute, s'amuse en profitant de la musique. Les barmen actionnent les pompes à bière à tour de bras et on se bouscule devant le comptoir.

Une jeune fille enchaîne avec maestria les airs de violon, tout en tapant du pied avec autorité sur le plancher du pub pour donner la cadence. Deux guitaristes et un percussionniste l’accompagnent. Ils sont assis autour de la table centrale du pub, encombrée de pintes de bière, échangent des propos entre eux et avec les consommateurs entre deux morceaux. Je retrouve l’ambiance festive et bon enfant dont un voyage en Irlande il y a bien longtemps, m’avait laissé le souvenir.

Un écossais au look un peu décadent, tee-shirt sans manche effiloché, crane rasé, boucle d’oreille, kilt et godillots s’assoit avec les musiciens, sort son fiddle et après quelques minutes d’un accordage qui semble assez laborieux, entame un duo avec la violoniste. Ils jouent une balade traditionnelle et nostalgique à tirer des larmes au plus rude guerrier des Highlands. Elle dans son style imperturbable, perpétuant des traditions immémoriales, et lui qui semble un peu décalé, toujours dans le rythme, toujours sur la ligne mélodique, mais toujours à la limite ; comme un funambule qui avancerait, pas trop rassuré au bord d’un précipice et manquerait de basculer à chaque nouveau pas… De subtiles variations aux accents jazzy apparaissent, créant comme un déséquilibre dans l’atmosphère ;  les conversations se sont interrompues, les verres sont oubliés ; ses doigts de magicien courent sur les cordes et tout le monde retient son souffle. Il y a quelque chose en lui qui focalise l’attention ; l’énergie de la salle semble converger vers son archet, dans l’attente de quelque chose de libérateur. Insensiblement un air traditionnel émerge de la complexité de son jeu, lumineux, et s'élève comme une évidence. La tension accumulée trouve son exutoire, la cadence accélère progressivement, une gigue endiablée déchaîne les encouragements des vieux écossais qui poussent des hurlements et se termine sous un tonnerre d’applaudissements !

L’homme au kilt s’efface, se fond dans l’assistance et redevient un type lambda qui boit un verre au pub, bavarde avec les uns et les autres ; les musiciens ont repris leurs airs, les buveurs leurs verres, les bavards leurs conversations.

Tous ont le sourire aux lèvres et des paillettes de lumière dans les yeux.

 

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26/08/2013

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