Ohé matelot ! Quelques pérégrinations en voiliers

Ohé matelot !    Quelques pérégrinations en voiliers

Une bonne journée en croisière

Vous avez pris le premier quart hier soir, jusqu'à vingt-trois heures. Après une bonne nuit de sommeil vous sautez de la couchette en pleine forme et enfilez un t-shirt propre. Une appétissante odeur flotte dans le carré. Pour lutter contre le sommeil, l'équipier de quart s'est lançé dans la confection d'une pile de crêpes qui s'accorde merveilleusement avec votre bonne humeur. Vous avez envie de l'embrasser, mais sa barbe de huit jours vous freine dans votre élan. La prochaine fois il faudra penser à recruter des équipières.

En sortant sur le pont, vous respirez profondément l'air marin et contemplez un flamboyant lever de soleil sur bâbord. L'air est d'une transparence lumineuse, le ciel pastel jaune et bleu pâle glisse progressivement vers le bleu marine à l'ouest. L'alizé souffle sa respiration régulière sur la mer immense. Le bateau glisse sans à-coup, voiles bien gonflées, sur les douces ondulations des longues vagues de l'océan. Chaque matin est un émerveillement ! A l'intérieur, le thé est prêt, un jus de goyave pour le plaisir du goût, et quelques crêpes arrosées de jus de citron frais saupoudrées de sucre. Quel régal !

Plein d'entrain, vous empoignez le seau qui contient la vaisselle d'hier soir et descendez dans la jupe arrière pour laver tout cela. Il faut reconnaître qu'avec ce beau temps, le soleil qui commence à monter au-dessus de l'horizon et la température de mois de mars sous les tropiques, vous avez connu des corvées moins agréables. En passant, un petit demi-tour de winch sur l'écoute de grand-voile pour la forme, le point sur le livre de bord, et vous pouvez maintenant vous consacrer à vos loisirs en toute tranquillité, pendant que le reste de l'équipage termine sa nuit.

Un peu de lecture pour commencer ; vous avez l'embarras du choix ; l'excellent bouquin que vous avez commencé hier, les journaux que vous n'avez jamais le temps de lire habituellement, une petite révision du guide des Glénans, l'un des récits d'aventures marines qui composent la bibliothèque de bord. De toute manière vous aurez bien le temps durant la traversée.

Au bout d'une demi-heure un mouvement du côté de la ligne de traîne attire votre attention. L'élastique est tendu, il y a du monde qui se bouscule là-bas. Effectivement, en commençant à remonter le fil, ça résiste et une gerbe d'écume apparaît à la surface dans le sillage du bateau. Vous remontez la ligne en douceur et une splendide coryphène d'un mètre de long émerge dans sa parure éclatante bleu turquoise et jaune. Une petite rasade de rhum dans les ouïes pour la plonger en douceur dans le coma et un moment plus tard, la bête est vidée, tranchée et les filets levés. Un seau d'eau pour nettoyer le pont, un autre pour vous rafraîchir et vous allez pouvoir déguster une bonne bière pendant que les équipiers qui se sont occupés des photos, terminent de préparer le repas de midi.

Une petite salade, des filets de poissons frais grillés, une poêlée de légumes à l'huile d'olives délicatement épicée, une salade de fruits exotiques. Une cuisine légère, simple et goûteuse, dégustée à l'ombre du roof, bercé par le bruit du vent dans les voiles et des vaguelettes contre l'étrave. Un café et une petite sieste pour être en forme pendant le quart de nuit.

L'après midi est déjà bien entamé mais il y a encore du travail : vous vous plongez dans les livres de cuisine pour varier la manière d'accommoder le produit de votre pêche. Vous optez pour la recette du poisson au lait de coco et poivrons. Et maintenant, aux fourneaux. Vous émincez, découpez, saisissez, mouillez, mijotez, épicez et rapidement vous suez autant que vos oignons. Qu'à cela ne tienne. Vous passez les consignes et plongez sans hésiter à l'arrière du bateau, accroché à la jupe. L'eau est à trente deux degrés. Juste la bonne température pour vous qui n'appréciez pas plus que ça l'eau fraîche de la Méditerranée. Une petite douche pour vous rincer et c'est déjà l'heure de l'apéritif.

Un peu de musique brésilienne sur la hi-fi du bateau, un verre de punch dans une main, quelques tapas à portée de l'autre. Ça fait du bien de se détendre un peu. Le plat de poisson arrive, juste à point. C'est un délice et tout l'équipage vous félicite. Le crumble aux pommes est également très réussi et tout le monde profite benoîtement du coucher de soleil qui embrase l'horizon. Les équipiers qui prennent les quarts de nuit vont se coucher et vous profitez tranquillement de la soirée sous les étoiles, sirotant un verre de cet excellent whisky écossais, en contemplant la Croix du Sud dont le nom vous fait rêver depuis toujours. Vous n'avez pas vu la journée passer.

C'est toujours compliqué d'expliquer aux terriens que sur un bateau on n'a pas le temps de s'ennuyer, que non, on ne mange pas que des rations lyophilisées, qu'on a suffisamment de place et qu'on ne se dispute pas avec les autres membres d'équipage.

Propos précédent : La pêche



22/04/2011

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