Ohé matelot ! Quelques pérégrinations en voiliers

Ohé matelot !    Quelques pérégrinations en voiliers

L'outillage de bord

Pour bien appréhender la problématique du bricolage sur un navire de plaisance, il faut savoir qu'un architecte naval a pour principal objectif de faire tenir un maximum d'équipements de toute sorte dans un volume minimum. En effet un bateau à voiles, ce n'est pas seulement une coque et un mât mais tout un inventaire à la Prévert de systèmes plus ou moins sophistiqués pour régler les voiles, tenir le mât, faire avancer le bateau, le faire tourner, l'immobiliser, produire du froid, produire du chaud, aspirer l'eau de mer, l'eau douce, l'eau grise, l'eau noire, les évacuer, produire de l'énergie, la convertir, la consommer...

Tous ces moteurs thermiques ou électriques, ces pompes, ces appareils électroniques, ces tuyaux, ces circuits électriques, ces drisses, ces safrans ont évidemment une fâcheuse tendance à refuser de fonctionner au moment où l'on en a besoin. Il faut leur consacrer beaucoup d'attention et toujours être en mesure de les entretenir, de les réparer, de les changer. Un voilier est donc une caisse à outils géante déguisée en bateau. En moins pratique car on ne peut pas l'ouvrir en écartant les poignées.

Pour accéder à n'importe lequel de ces éléments, vous devrez soulever des coussins, des panneaux de bois, des planchers, des trappes, vous insinuer dans des espaces confinés, obscurs, humides, chauds l'été et froids l'hiver, hérissés d'angles aigus, de têtes de robinets, de vannes et autres objets contondants variés.

 

 

Cale moteur

 

Lorsqu'au prix de multiples contorsions, éraflures et ecchymoses, vous aurez réussi à vous frayer un passage entre le moteur, les batteries et l'arbre d'hélice, vous vous apercevrez généralement que vous avez oublié votre frontale sur la table à cartes ou qu'il vous est absolument impossible d'approcher votre main gauche de la poche du short dans laquelle vous aviez préalablement pris la précaution de glisser le tournevis cruciforme indispensable au démontage du filtre à gazole.

La loi de Murphy s'applique très bien au bricolage domestique, et encore mieux au bricolage de plaisance.

 

 Une autre, à l'avant

 

Lorsque vous vous décidez à vous y mettre, c'est soit à titre préventif parce que vous êtes prudent et organisé, soit dans l'urgence parce que vous aviez mieux à faire et que vous pensiez que ça tiendrait bien encore un peu. Dans les deux cas, l'outil dont vous avez besoin est généralement celui que vous avez prêté à votre voisin de ponton la semaine dernière et qu'il a oublié de vous rendre. Il arrive parfois qu'il se trouve dans la caisse à outils, mais alors bien caché, tout au fond. S'il n'y est pas, tous les bricoleurs du dimanche le savent bien, ce n'est pas la peine de perdre la matinée à le chercher car il se trouve dans un endroit hautement improbable comme le réfrigérateur, la table de nuit ou l'armoire de toilette, et vous ne le retrouverez que dans un mois ou deux.

 

La même, vue du dedans

 

Il est là ou vous l'avez posé négligemment la dernière fois que vous l'avez utilisé, ou bien là où quelqu'un de bien intentionné l'a rangé la dernière fois que vous l'avez laissé traîner, donc introuvable. Il vaut mieux filer directement à la quincaillerie la plus proche en acheter un autre. Vous doublez ainsi vos chances de le trouver la prochaine fois que vous bricolerez et ça sera toujours utile car sur un bateau, en plus de se perdre, les outils ont aussi une tendance naturelle à se tordre, à rouiller, à se coincer, bref, tout ce qu'ils peuvent imaginer pour nous compliquer l'existence.

 

Une troisième, à l'arrière

 

Évidemment, l'option quincaillerie n'est envisageable que si vous menez une action préventive et si on n'est pas dimanche ou le soir ou un jour férié ou … Dans ce cas la meilleure stratégie est d'aller emprunter l'outil qui va bien à votre voisin de ponton, surtout si c'est l'heure de l'apéritif. Mais si vous êtes en situation de dépannage d'urgence, c'est à dire en mer, avec votre grand voile coincée, votre moteur qui refuse de démarrer, la pompe des toilettes qui refoule ou tout autre panne désagréable, la quincaillerie et le voisin de ponton les plus proches ne constituent pas des options adaptées. Il faut se débrouiller comme l'on dit, avec les moyens du bord.

C'est comme ça qu'on se retrouve dans la nuit africaine (noire), à essayer de décoincer une chaîne d'ancre bloquée dans le guindeau avec un marteau et un tournevis, pendant que le bateau dérive inexorablement.

Pas toujours simple, la vie de marin.

  

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02/04/2011

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