Ohé matelot ! Quelques pérégrinations en voiliers

Ohé matelot !    Quelques pérégrinations en voiliers

Bienvenue au Brésil !

 

Comme dans de nombreux pays, sinon tous, en arrivant au Brésil sur un voilier, il est obligatoire de procéder aux formalités administratives d'entrée sur le territoire. Elles concernent le bateau et son équipage. On peut toujours tenter de passer à travers et repartir tout aussi incognito mais c'est impossible dans le cas où l'on doit quitter le pays en avion. Nous devons donc aller nous présenter successivement à la police, à la douane et à la marine. Auparavant il est vivement conseillé de prendre une douche et de s'habiller car les autorités brésiliennes sont paraît-il à cheval sur l'étiquette. Il convient d'enfiler autre chose qu'un tee-shirt et un short, même propres. Nous nous résignons donc à passer une chemise, un pantalon et des chaussures et quittons la marina en franchissant le portail gardé nuit et jour par des vigiles, pas forcément patibulaires mais musclés et armés.

La ville basse qui jouxte le port est un quartier d'affaires, très fréquenté dans la journée. Il est déconseillé d'y traîner le soir, à cause du risque d'agression. Pour le moment, c'est très animé, beaucoup de piétons et une circulation de folie. Je ne sais pas si c'est parce que nous étions en mer depuis deux semaines, mais j'ai l'impression que la ville est le théâtre d'un rallye automobile toutes catégories : voitures, motos, bus, et tout le monde fonce. C'est tout l'inverse du Portugal où les automobilistes s'arrêtent dès que vous approchez de la bordure du trottoir.

La capitainerie nous a fourni un itinéraire pour nous rendre aux bureaux de la douane et de la police. Très simple : avancer dans la rue qui longe le quai pendant une distance indéterminée, entrer dans le bâtiment, passer sur le quai pour revenir sur nos pas pendant quasiment la même distance et c'est là. Alors que le bateau est juste à côté, nous devons donc faire un immense tour par les rues à l'extérieur. Il y a bien une porte dans la clôture qui permettrait d'arriver à destination en quelques pas mais elle est verrouillée et manifestement pas destinée à l'usage des plaisanciers. Après deux cents mètres de marche, nous sommes harassés, étourdis par la chaleur et le bruit. Nos vêtements de cérémonie sont trempés de sueur et nous collent à la peau. Nous longeons l'immense bâtiment qui jouxte le quai des ferries, et dans lequel se trouvent les services administratifs. Une entrée publique permet d'y accéder depuis la rue mais nous n'avons pas le droit de l'utiliser. En effet, comme nous n'avons pas encore rempli les formalités d'entrée au Brésil, il n'est pas envisageable que nous pénétrions dans les bureaux en venant de la rue. Nous devons impérativement nous présenter par le quai de débarquement. C'est d'une logique implacable qui me laisse totalement subjugué. Si le moindre événement se produit pendant que nous marchons sur ce trottoir, nous nous retrouverons au cœur d'un inextricable casse-tête administratif : ressortissants français entrés clandestinement sur le territoire brésilien, démasqués par la vigilance des services du contre-espionnage. Si l'un d'entre nous est sympathisant de Greenpeace, nous sommes faits comme des rats. Je me rassure en pensant que les flics locaux n'ont certainement pas envie de se retrouver avec un dossier pareil sur les bras et que la première consigne du règlement de police local doit être de tourner la tête à chaque fois que l'on croise un occidental en chemise, pantalon et chaussures propres sur ce trottoir. Nous passons donc devant l'entrée du bureau des douanes puis devant la grille du garage de la police. Un homme en uniforme armé d'un énorme pistolet somnole assis sur une chaise, ce qui nous dissuade d'escalader la grille pour couper au plus court. Nous continuons assez loin, et décidons finalement de faire demi-tour pour revenir jusqu'à la petite porte sans indication qui ne ressemblait à rien et que nous avons superbement ignorée. Nous traversons un hall, déchiffrons laborieusement de vagues écriteaux en portugais et finalement nous nous adressons à une jeune femme en uniforme. C'est bien là. Elle scrute no passeports, relève consciencieusement nos identités et nous fait passer individuellement dans un tourniquet à l'aide d'un badge magnétique. Je me marre en constatant qu'elle a noté nos prénoms au lieu de nos noms. Comme ça ne sert probablement à rien, on ne va pas chipoter. Nous accédons enfin au quai désert et revenons sur nos pas vers les bureaux de nos amis les fonctionnaires de l'immigration. Des cargos doivent décharger ici des marchandises à stocker dans les entrepôts. Le bord du toit est peuplé de centaines de pigeons qui arrosent copieusement le quai de leurs fientes et un certain nombre de spécimens sont réduits à l'état de cadavres écrabouillés en décomposition. Il règne une odeur pestilentielle qui nous fait presque oublier la chaleur. L'entrée des bureaux de police est une minuscule porte donnant accès à un étroit couloir carrelé de blanc et trempé d'eau savonneuse. Une matrone peu amène équipée d'un balai brosse et d'une serpillière observe d'un œil noir les traces que nos chaussures poussiéreuses ont laissées sur les marches de l'entrée et nous expédie quelques mètres plus loin. Nous nous retrouvons sous le porche, mais sans avoir eu besoin d'escalader la grille. Le même policier en uniforme somnole toujours sur sa chaise. Dans un coin un petit guichet communique avec l'arrière du bureau des douanes. Après quelques minutes d'attente, le douanier examine nos documents et se lance dans un grand discours auquel nous ne comprenons pas un traître mot. Heureusement l'un de ses clients, un plaisancier lui aussi, nous explique qu'il ne peut pas traiter notre dossier... Je sens le découragement m'envahir... Car nos papiers doivent d'abord être tamponnés par la police. Ah oui, bien sûr... Le bureau de police est juste à côté. Nous y retournons donc et après avoir consciencieusement essuyé nos chaussures, nous apprenons que le service ferme à midi. Comme il est midi moins dix, c'est trop tard et il nous faudra revenir à partir de quatorze heures, en empruntant le même itinéraire. Je comprends pourquoi les policiers sont si nombreux et armés de gros pistolets.



11/04/2011

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