Ohé matelot ! Quelques pérégrinations en voiliers

Ohé matelot !    Quelques pérégrinations en voiliers

Patience et palabres...

Dakar - L'aéroport Léopold Sédar Senghor

 

Il est juste l'heure du rendez-vous avec l'incontournable Nango, notre chauffeur de taxi. Un coup de téléphone à l'aéroport m'a confirmé l'arrivée de mon deuxième carton. Pas de service de livraison à domicile, il faut aller le chercher. Je sais d'avance que le trajet dans les embouteillages et les formalités vont m'occuper la matinée. J'ai pu vérifier que le mardi et le jeudi sont des jours de grande circulation en France. A Dakar, c'est le cas tous les jours de la semaine. Mais nous nous faufilons mieux qu'une lettre à la poste et arrivons à l'aéroport en un temps record. En marchant vers le hall d'arrivée, je me rends compte, horrifié, que j'ai bien pris le constat d'irrégularité bagage mais que j'ai oublié mon passeport. Je suis certain qu'ils vont me le demander. J'essaie d'élaborer une stratégie de contournement, et ça ne rate pas. Lorsque j'arrive à l'entrée, l'inévitable fonctionnaire en uniforme se lève et vient s'enquérir du motif de ma visite. Je lui explique très décontracté et avec le sourire mon problème de bagage. Je m'efforce d'adopter la physionomie joviale de celui qui a parfaitement confiance dans le professionnalisme et l'efficacité des services logistiques des autorités sénégalaises dont il est l'éminent représentant. Il examine attentivement mon récépissé, relève les yeux et me demande mon passeport. J'ai un peu de mal à conserver ma physionomie joviale et je lui explique que je n'ai pas pensé à l'emporter mais que je peux lui proposer de vérifier mon billet d'avion. Il réfléchit, examine les deux documents et constatant que les noms figurant sur chacun d'eux sont identiques, il m'autorise à passer. J'ai lu sur son visage l'angoisse qui l'a étreint à l'instant où il a pris conscience que sa demande risquait de compromettre la démonstration de l'aptitude africaine à résoudre un problème de Blanc. Heureusement ma proposition du billet d'avion constituait une issue honorable lui permettant de démontrer sa bienveillance tout en respectant l'esprit de la réglementation. Un pur bonheur de négociation à la mode africaine.

Je me dirige tout guilleret vers le fond du hall, accès à l'entrée de l'enfer des bagages, je présente à nouveau mes papiers au Cerbère en uniforme qui garde l'accès au petit couloir sinueux, et tout se passe comme dans un rêve : le bureau est ouvert, les occupants sont à leur poste, l'ordinateur fonctionne, les données sont actualisées, et mon colis est là, stocké avec quelques autres bagages, bien à l'abri dans un local fermé à clé. La grille s'ouvre et c'est bien mon carton, avec son scotch et sa ficelle, légèrement écorné aux angles, mais globalement en bon état. Aucun trou déchiqueté par les dents des chiens ou des rats attirés par les effluves de jambonneau et de canard, pas de fond imbibé par une fuite de cubi, pas de taches grasses de biafine ou de fromage fondu. Le scotch est intact donc pas non plus d'intervention de la part d'un douanier algérien un peu trop zélé. Cependant lorsque j'empoigne mon colis, j'ai la sensation de pénétrer à l'intérieur d'une sphère invisible, impalpable mais néanmoins odorante... Mon hôte me présente ses compliments pour la qualité de l'emballage, mais compte tenu des effluves, je juge préférable de ne pas m'attarder et je prends congé, non sans l'avoir chaleureusement remercié pour l'efficacité du service. Je n'échappe pas au passage du carton dans le scanner et le contrôleur, avec un sourire me demande s'il s'agit de nourriture. Je le lui confirme et lui explique le voilier et la traversée vers le Brésil. Aucun problème, j'ai validé sa compétence et il laisse passer mon colis avec un grand sourire. C'est étonnant comme des formalités administratives peuvent parfois se dérouler en toute simplicité. Heureusement que son appareil se contente d'afficher une image sur un écran, sans procéder à une analyse bactériologique des colis... Nango est lui même étonné de la rapidité avec laquelle nous traversons Dakar pour revenir au Cercle de Voile. Le transfert brouette ponton annexe est réalisé, et en fin de matinée, mon carton est embarqué sur Zéro. Nous l'ouvrons avec une pointe d'inquiétude mais le résultat est au-delà de nos espoirs : tout y est, et en assez bon état. Le tube de Biafine, mon couteau, les saucissons qui ont un peu souffert de la chaleur mais nous les remettons à sécher, suspendus dans les soutes qui sont rapidement saturées d'un fumet qui nous bouleverse à chaque ouverture de la porte étanche. Les fromages ont un peu coulé. Nous les plaçons immédiatement au réfrigérateur, non sans sacrifier sur le champ la bûche de chèvre la plus à point sur des tartines que nous dégustons avec délectation, accompagnées d'un verre de coteau du lyonnais. Du pur bonheur ! L'organisation africaine est replacée très haut dans notre estime. La vertu cardinale de l'usager est sans conteste la patience. Et comme on dit par ici, inch Allah !

 

Dakar - Enfin à bord !...

 

Article précédent : Arrivée à Dakar

 

 

 

 

 

 

 

 



30/03/2011

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