En Ecosse - Du 09 au 16/07/2013 – Oban
Une semaine seul à bord de Zérø, pour la première fois. Je vais rester sur place jusqu’à l’arrivée d'une équipière, Laurence. Ce n’est pas l’envie qui me manque de partir en solitaire, mais je ne connais pas encore assez bien le bateau, et même si les conditions sont idéales, ce ne serait pas forcément prudent. En tout cas je me l’interdis, vis-à-vis de mes « co-administrateurs ». Ce sera donc une semaine paisible consacré à de menus travaux d’entretien, à la découverte de la ville et au repos.
Il fait beau et j’en profite pour partir explorer les environs en vélo. Et c’est tout simplement magnifique. Les collines, les prairies, les forêts, les petites routes sinueuses, les cottages isolés au détour du chemin, les moutons, les vaches, les chevaux, la mer, les lacs. Les côtes sont rudes, probablement à l’image du pays. On ne s’embarrasse pas de circonlocutions, ça monte, et direct. Petit braquet de rigueur. Sous le soleil, c’est un vrai bonheur de découvrir la région ainsi. Le contraste est marqué entre les collines qui ne sont pas très hautes, mais assez escarpées et sauvages, et les jardins très scrupuleusement entretenus. Partout des massifs et des haies de fleurs, des pelouses qui ressemblent à des tapis, des vérandas à l’ancienne (ou à l’anglaise ?), des sculptures exposées au regard derrière les baies vitrées des bow-windows. Bien entendu, tôt ou tard on tombe sur un terrain de golf vallonné, qui offre une perspective splendide.
Oban est une petite ville à l’échelle de notre référentiel, mais c’est une véritable plaque tournante régionale. A l’origine la ville s’est construite autour de sa distillerie et de son port, bien abritée au fond de la baie, derrière l’île de Kerrera. Aujourd’hui, elle est le terminus de la ligne ferroviaire depuis Glasgow, et le point de départ des ferries Mac Brayne vers les îles de l’ouest. Ce qui crée en permanence une activité maritime et touristique. On trouve donc à Oban toutes les commodités et de quoi s’occuper : restaurants, musée, boutiques, plage, pubs…
Je cible rapidement les emplacements stratégiques ainsi que les itinéraires de repli :
- La bibliothèque qui offre un accès wifi gratuit ; je suis maintenant titulaire d’une carte d’accès à l’ensemble des bibliothèques du comté d’Argyll pour les deux prochaines années ; mon niveau culturel pourrait s’améliorer malheureusement toutes les publications sont en anglais
- Le chinois qui vend tout à pas cher ; parfait pour les bricoles toujours manquantes : un seau, un crochet, un mug à l’effigie de la reine Elisabeth, etc…
- Le supermaché Tesco qui vend tout les produits d’alimentation, à condition qu’ils soient anglais. Comme des sauces bizarres, du pain de mie, du cheddar, de la lemon curd, du black pudding etc… L’avantage c’est qu’il est ouvert jusqu’à minuit ! On peut donc y passer en sortant du pub, ce qui évite de trimballer ses courses partout ou de faire des navettes incessantes au bateau. Sauf le dimanche où il ferme un peu plus tôt.
- Et bien sur, les pubs qui permettent de prendre des forces avant d’aller pédaler et de se désaltérer après.
La vie s’écoule tranquillement ponctuée de petits travaux sur le bateau, de vagabondages en vélo autour d’Oban, de stations aux terrasses des différents établissements de la ville. Une promenade à la Tour Mac Craig qui surplombe la ville. C'est une étrange construction inspirée du Colisée de Rome, érigée par un riche banquier d'Oban qui souhaitait laisser son empreinte (c’est réussi !) et fournir du travail aux ouvriers de la ville. C’est un lieu paisible, ouvert à tous. On peut même y apercevoir des lapins sur les pelouses entre les taillis. La vue sur la baie y est splendide.
La tour Mac Carig
La même, de l"intérieur
La ville, même petite, est organisée en quartiers. Au nord le long de la mer, de splendides manoirs victoriens pour la plupart reconvertis en hôtels ou en B&B, dont l’auberge de jeunesse qui à elle seule mérite le détour, la cathédrale. Le centre ville est construit autour du port, de la gare et de la distillerie, ses commerces, banques, restaurants, pubs. Les pentes sont occupées par des villas plutôt cossues. Une petite zone d’activité se cache derrière le premier rang de collines, avec des habitations qui abritent la population moins aisée : quelques immeubles assez tristes et de petites maisons dans le style de nos banlieues ouvrières.
Globalement, la vie est plaisante ici. Les gens sont chaleureux, toujours aimables et prêts à apporter de l’aide.
J’ai un peu de mal avec les jours d’ouverture de la bibliothèque ; je suis déjà déconnecté de l’alternance laborieuse semaine / week-end et je me casse le nez plusieurs fois sur la porte close. L’autre problème, c’est le clavier des ordinateurs. Les « a » se transforment en « q », les « m » en « ; », les accents et les cédilles disparaissent… C’est un casse-tête mais au bout de quelques heures la codification ASCII est presque maîtrisée et les caractères retrouvent leur place dans les mots !
Il fait un temps variable, alternant soleil, nuages et quelques averses. Un soir la baie est envahie par une sorte de brume qui vient de la mer, à tel point que j’ai pendant un moment une inquiétude à l’idée de ne pas réussir à retrouver Zérø. Les soirées sont fraîches sur le bateau et je mets en route le poêle. En quelques minutes la température passe de seize à vingt cinq degrés !
L’histoire et les traditions locales ont une grande importance ; les initiatives sont parfois individuelles, parfois collectives, souvent en dehors de tout organisme officiel. A Oban on croise assez fréquemment des écossais en kilt, qui ne jouent pas toujours de la cornemuse. La culture militaire apparaît fréquemment dans la vie quotidienne ; expositions temporaires dans des lieux publics, musées historiques locaux, titres des journaux, livres…
La première sortie en vélo est une aventure. A cause de la conduite à gauche bien entendu ! Concentration obligatoire. Je me méfie du réflexe qui me précipiterait du mauvais côté de la route lorsqu’une voiture arrive en face de manière inattendue. Mais classiquement, c’est surtout aux intersections et aux ronds-points que les difficultés se présentent. De quel côté faut-il regarder ? Et où tourner ? Tout à coup la trajectoire à suivre devient mystérieuse et je ne sais plus si je suis en train de « couper le fromage » ou de dériver du mauvais côté de la route… Mais globalement, on s’en sort et il faut reconnaître qu'ici, le cycliste est beaucoup plus respecté que chez nous.
Je n’en dirais pas autant du piéton. Pour traverser, on attend impérativement qu’il n’y ait plus de voitures qui passent. Ça dure le temps que ça dure. Et les passages piétons n’existent pas. J’ai vu une seule fois une voiture s’arrêter pour me laisser traverser, alors que j’attendais au bord de la rue. C’était probablement un étranger au volant… C’est curieux eut égard à la prévenance et la courtoisie qui règnent ici.
Le corollaire est que les gens sont respectueux des usages et des règles. Celles-ci sont d’ailleurs fréquemment rappelées par des avertissements affichés, toujours courtois dans la rédaction mais sans équivoque quant à leur fermeté ; les amendes annoncées en cas d’infraction sont réellement dissuasives : par exemple 500 £ la crotte de chien et 40.000 £ le dépôt d’ordures sauvage. On constate de visu que cette démarche pédagogique est efficace. Je n’ai jamais surpris quelqu’un à jeter un papier par terre. Globalement de ce que j’en vois, le pays est propre, autant la ville que la campagne. Les caméras de surveillance sont fréquentes. A Oban qui est une petite ville, mais pour ici, tout de même assez importante, et même parfois dans des villages. Peut-être le prix à payer pour cette forme de respect de la collectivité par les individus, et qui a inspiré Georges Orwell pour écrire son fameux livre lors de son séjour sur l’île de Jura…
Après quelques jours, je me surprends à constater que je roule du bon côté de la route sans même y avoir réfléchi au moment de démarrer ! L'adaptation se fait... Surtout, ne pas se relâcher !
Rencontre sur le port : deux jeunes énergumènes ont appuyé des « vélos couchés » le long d’une façade. J’observe avec intérêt leur équipement et voilà que je les entend s’exprimer couramment en français. La conversation s’engage, rendez-vous est pris au pub après que chacun aura vaqué à ses occupations et la soirée s’achève sur Zérø autour d’un bon repas. Elsa et Ewan ont quitté leurs Normandie et Bretagne originelles pour partir autour du monde, tout en restant couchés. Ils sont ravis de visiter le bateau et je leur propose de dormir à bord, ce qui les change des nuits sous la tente et crée un petit événement dans leur quotidien pourtant déjà si extraordinaire ! Comme quoi, tout est vraiment question de point de vue. Je leur parle de Barbara partie d’Autriche et rencontrée à Cuba l’année dernière, de Guillaume parti d’Autun il y a presqu’un an et aujourd’hui quelque part dans un pays en « stan », Tajikistan, Uzbekistan, Kyrghyzstan ? Peut-être nos chemins se croiseront ils à nouveau, pas facile car les pistes cyclables et les routes de grandes croisières se côtoient rarement. Mais nous l’espérons. C’est vrai que pour passer d’un continent à l’autre, Zérø ferait bien l’affaire ! Bonne route, les tortues !
Bonnes adresses :
Carolyn’s Café – 5 John’s St. Oban – saumon fumé, breakfast – pas de boissons alcoolisées
Cuan Mor sur le port – Cher mais internet opérationnel
Waterfront bar entre Mac Brayne et la gare – Wifi même en dehors des heures d’ouverture depuis la terrasse, quand il n’est pas en panne
http://elsa.ewan.free.fr/?lang=fr: le blog d’Elsa et Ewan
La Baie d'Oban depuis la tour. Où est Zérø ?
Facile, c'est le plus grand mât !
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