En Ecosse - Jeudi 18 juillet 2013 – D’Oban à Loch Tarbert (Jura) – 37milles
Aujourd’hui est un grand jour : première navigation sur Zérø sous la casquette de capitaine. Après un somptueux breakfast au Carolynscafé – je n’ai pas osé le haggis au petit déjeuner, mais c’est parce qu’on ne pouvait le composer que de sept mets – nous terminons les derniers préparatifs en vue du départ. Et nous levons l’ancre, ou plutôt, nous larguons la bouée. Cette première navigation est constituée d’une boucle élégante d’une centaine de mètres qui doit nous amener au ponton pour faire le plein d’eau. Une fois la manoeuvre terminée, nous constatons que le ponton est intact et les autres bateaux aussi, c’est parfait.
Après avoir débranché le tuyau d’eau et rentré les vélos, nous larguons les amarres pour de bon. Ça peut paraître évident mais que celui qui n’a jamais fait décoller un A340 en emmenant la pompe à essence avec lui me lance la première bière.
A deux sur ce grand bateau, on ne chôme pas pendant les manœuvres mais tout se passe bien. Sauf qu’après quelques encablures, à peine dans le Kerrera Sound, ce passage de quatre milles le long de l’île, qui permet de quitter la baie d’Oban, nous entrons dans le brouillard. On a l’impression de voir tout au plus à une cinquantaine de mètres. On continue en se disant que ça va surement se lever à la sortie. L’angoisse c’est de voir un des monstrueux ferry Mac Brayne surgir en face de nous. Donc on essaie de s’écarter et de longer le bord de l’île. Mais là il faut surveiller la profondeur, la route sur l’ordinateur, tenir le cap, sans autre repère que le compas, avec la crainte que d’autres voiliers fassent la même chose. Bref avec tous ses yeux dans toutes les directions à la fois, on fait un peu n’importe quoi et notre trace me rappelle la montée vers l’Alpe d’Huez ! Des virages et des virages. C’est vrai qu’au moteur, sans vent et dans la brume, on manque de repères.
On croise de près un bateau de pêche et un voilier mais on finit par en sortir. Du Sound. Pas du brouillard. Parce que ça va continuer comme ça une bonne partie de la journée. En levant les yeux on se rend compte que la couche est très mince et on a sans arrêt l’impression qu’elle est sur le point de se dissiper. Mais c’est une arrivée d’air chaud dont l’humidité se condense en permanence au contact de la mer plus froide.
C'est ce qui s'appelle un brouillard d'advection. Quelle science !...
De temps en temps on aperçoit le sommet d’une montagne qui émerge mais au niveau de la surface on continue dans du coton. Heureusement un coup de radar de temps à autre nous rassure sur l’absence de gros bateaux. Comme on continue au moteur, pas de souci d’économie de batteries. Quant aux petits, on est plus solide qu’eux donc tout va bien ! Mais c’est épuisant, et on n’a pas une minute de repos car il faut veiller en permanence.
Je finis par avoir des hallucinations. Une falaise surgit à quelques encablures devant nous, alors que nous sommes censés naviguer à plus de deux milles des côtes. Je réalise que ce n’est qu’une surface d’eau ridée par une risée, qui a pris un aspect plus sombre et semble tout à coup se dresser à la verticale.
La mer devient lisse comme un miroir. Nous longeons le passage entre les îles de Scarba et Jura, qui donne sur le golfe de Corryvreckan, un lieu réputé pour être tumultueux ; le fond irrégulier présente dans le passage un véritable pic à vingt-neuf mètres sous la surface . Les courants de marée y sont très rapides et lorsqu'ils s'opposent au vent, peuvent créer des turbulences violentes susceptibles de malmener sérieusement de petits bateaux.
La brume se lève enfin, sur une mer d’huile. Nous distinguons les deux sommets de Jura, les « Paps » et nous arrivons à notre destination dans le flamboiement d’un magnifique coucher de soleil. Le Loch Tarbert s’enfonce tellement loin à l’intérieur de l’île de Jura qu’il la coupe presque en deux. Le passage sinueux est étroit avec des repères d’alignement à terre mais avec le GPS c’est presque un jeu d’enfant. Zérø franchit la passe qui ne mesure guère plus de deux longueurs de bateau mais offre six mètres de profondeur, et débouche dans un mouillage littéralement incroyable.
Les Paps
Immense, totalement abrité, partout des fonds de sable ou de vase entre trois et six mètres, une vue splendide à 360° sur les collines et les montagnes. Un silence qui n’est troublé que par les cris des oiseaux. La récompense est à la hauteur de nos efforts de la journée. Coucher de soleil sur la face ouest des Paps, suivi d’un crépuscule qui n’en finit pas.
Nous sommes au paradis des navigateurs à la voile.
L'entrée du Loch
Enfin, vu de l'intérieur, c'est plutôt la sortie...
A découvrir aussi
- En Ecosse - 02/07/2013 – De Troon à Tarbert
- En Ecosse - 03/07/2013 – De Tarbert à Cairnbaan
- En Ecosse - Vendredi 26 juillet 2013 – De Gigha à Fairy Isles (Loch Sween) – 22 milles
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 57 autres membres