Ohé matelot ! Quelques pérégrinations en voiliers

Ohé matelot !    Quelques pérégrinations en voiliers

Zéro aux Bermudes - mai 2012

En mer, entre Bahamas et Bermudes, mercredi 30 mai 2012

Sixième jour de mer. Arrivée prévue ce soir. Après des conditions variées, soleil, vent, pluie, pétole, le beau temps est revenu cette nuit. En navigation, beau temps ne signifie pas seulement ciel bleu et soleil. Il faut aussi du vent, bien orienté et une mer calme. Aujourd'hui, on a tout, y compris un courant favorable qui nous pousse depuis Cuba. Et oui, le Gulf Stream qui présente en outre l'avantage non négligeable de réchauffer l'eau. Le moteur a été stoppé vers trois heures du matin, offrant une fin de nuit parfaite pour les équipiers des premiers quarts qui ont pu faire la grasse matinée en toute quiétude. On profite des bonnes conditions. Le soleil chauffe, le vent rafraîchit, le bateau glisse régulièrement, bien posé sur l'eau qui chuchote le long des safrans. Une ligne de cumulus bourgeonne le long de l'horizon bleu. Une jeune mouette aux ailes tachetées de brun, qui nous accompagne depuis ce matin nous rejoint dans un long plané au ras des vagues et se pose dans l'eau à quelques mètres. La vie s'écoule. Tranquillement.

 

Attention à la remorque !...

 

 André pilote la cambuse

 


Encore un !...

 


Situation délicate : Philippe à la manoeuvre

 

Et voilà le travail !   Pavillon de courtoisie bermudéen

 

Dans l'après-midi, la terre est en vue. Mais il nous faut contourner l'île pour rejoindre Saint-Georges au nord de l'archipel. La nuit tombe, les lumières s'allument à terre et dans l'eau : phares, bouées de danger, cardinales, bouées de chenal... C'est bientôt un fouillis de lumières rouges, vertes et blanches qui clignotent de tous côtés. Avec le GPS et les fonds de cartes numérisés, aucun problème pour ce repérer, mais Cécile, notre équipière docteur es relèvement, gisement et azimut, de sup de nav Glénans se fait plaisir en identifiant à l'ancienne l'intégralité du parc des feux et balises des Bermudes. Ou presque. A l'ancienne, ça veut dire identifier sur la carte marine chacun des feux que l'on aperçoit à l'extérieur, en fonction de sa couleur et du rythme de son clignotement. Pas facile quand on sait qu'ils clignotent tous différemment, jamais en même temps, qu'il faut les retrouver à chaque fois qu'on les perd de vue, le temps de regarder la carte, et qu'à chaque vague qui fait bouger le bateau, on a l'impression que c'est les feux qui ont bougé et pris la place les uns des autres.... Mais elle maîtrise parfaitement la situation, malgré la présence de bouées non éclairées et non mentionnées sur les cartes et à minuit pétantes nous amarrons Zéro devant le pavillon des douanes. On se serait bien garés devant le pub si on était arrivés un peu plus tôt, ou directement au mouillage pour aller se coucher, mais ici, c'est le Commonwealth et les traditions de la marine britannique sont toujours en vigueur, associées à une certaine rigueur probablement inhérente au statut particulier de ces archipels comme les îles Caïman, Bermudes et autres paradis fiscaux. A proximité des chenaux d'entrée, on est contacté à la VHF par la voix des autorités locales qui collectent avec une extrême courtoisie mais fermement toutes les informations d'identification du bateau et de son équipage, puis vous invitent à vous présenter sans délai au bureau des douanes. Toutes les informations, c'est toutes les informations. Depuis la taille du bateau dans tous les sens possibles, jusqu'à la couleur du caleçon du capitaine en passant par les caractéristiques de l'annexe et le numéro de téléphone de l'iridium. On début on trouve la voix plutôt sympathique car nous ayant identifiés comme français, elle fait des efforts manifestes pour s'exprimer lentement, clairement et en répétant les points importants. Mais à la quinzième question on commence à se lasser.... Et sans délai, c'est sans délai. D'habitude on se pose, on dort un peu, on récupère et on s'occupe de tout ça le lendemain matin. Là, non. Il est minuit mais c'est tout de suite. On y va et effectivement le douanier règle le dossier immédiatement : enregistrement du bateau, des passeports, durée du séjour, fiches d'immigration, droits d'entrée, do not take any picture in the office please, thank you, welcome to Bermudas. On repart, et on va se poser au milieu de quelques autres bateaux, par une dizaine de mètres de fond, mais il n'y a pas trop de vent et le mouillage est relativement abrité. On lâche une cinquantaine de mètres de chaîne et dodo. Enfin...

 

Minuit. Cécile et Zéro devant le pavillon des douanes. 

 

 

Saint-Georges, Bermudes, du jeudi 31 mai au dimanche 3 juin 2012

Alors les Bermudes, ça change des Bahamas. Tout est propre, tout est organisé, tout est joli, tout est british. Même les ruines ont l'air neuves. Saint-Georges est une petite bourgade plutôt sympathique, avec plusieurs rues (!), des boutiques dont certaines proposent des objets de décoration (?) étonnamment kitschs, des gens aimables, des bars aux terrasses agréables. On revit, même si ces derniers sont plutôt fréquentés par des touristes terriens et des amateurs de pêche sportive que par nos congénères voileux. La place du village est ornée de trois piloris consciencieusement entretenus, qui sonnent comme un avertissement adressé aux étrangers débarquant ici. Nous constaterons après quelques jours qu'ils sont exclusivement réservés à l'usage des comédiens en costume d'époque qui jouent des scènes de la vie locale d'il y a quelques siècles. Un épisode captivant consiste à immerger dans l'eau du port une femme ligotée au bout d'une balançoire, jusqu'à ce qu'elle avoue les crimes dont on l'accuse. Adultère ? Sorcellerie ? Sacrés anglais... ils savaient s'y prendre !...

 

 Saint-Georges - place principale

 

 Joli, sur la cheminée, non ?

 

 Saint Georges - statue sur le port

 

 Saint Georges - Rencontre

 

 Architecture moderne

 

 Architecture plus ancienne

 

 Un touriste reconnaissable à ses vêtements bizarres

 

 Bermudes - Dernières tendances

 

 Hamilton - Ambiance

 

 L'archipel est assez étendu, toutes les îles sont reliées les unes aux autres et on peut se déplacer en voiture ou en bus jusqu'à Hamilton, la capitale située à l'extrémité sud. La balade permet d'avoir un aperçu de l'ensemble de l'archipel et l'on va de surprise en surprise. Il y a la mer de tous les côtés. Chaque virage dévoile une nouvelle crique, un nouveau mouillage potentiel, plus joli que les précédents. Surtout sous le soleil. Mais tous ne sont pas accessibles à moins d'avoir un bateau de très faible tirant d'eau. C'est très beau mais contrairement aux Bahamas, pas de mouillage isolé. Toute l'île est habitée. Et construite. Les somptueuses villas donnent l'impression de traverser une série américaine tournée dans le quartier des milliardaires. La capitale Hamilton ne présente pas grand intérêt. Elle regroupe essentiellement des bureaux, des banques, des boutiques de luxe... Tout y est très cher. Curieusement il n'y a pas de Mac Do, ce qui nous pose un problème pour positionner les Bermudes sur notre échelle de comparaison économique des pays, celle-ci étant indexée sur le prix local du Big Mac.

 

 Les Aiguilles de Port-Coton ? Non, les Bermudes

 

 Masure près d'Hamilton

 

Hamilton -  La marina

 

 Hamilton - Baraque de pêcheur ? 

 

La population est divisée en deux catégories, à ce qu'il semble, avec le regard naïf du voileux ingénu qui vient juste de débarquer. D'un côté les blancs qui occupent les emplois dans les banques ci-dessus évoquées et possèdent les villas idoines. De l'autre, les noirs qui conduisent les bus, tiennent la caisse du supermarché, l'accueil de l'office du tourisme, etc... et qui habitent le quartier nord (!) sur la colline derrière Saint-Georges. Il faut reconnaître que ces maisons bien moins luxueuses que celles d'Hamilton feraient probablement le bonheur de bien des locataires de Sarcelles ou Vénissieux... Nous n'avons pas eu de contacts avec les locaux en dehors des relations administratives et commerciales donc pas grand chose à en dire. Il faut signaler que la mode vestimentaire des Bermudes est particulièrement originale et fascinante – voir les photos jointes – et les Bermudéens doivent se réjouir de nous voir débarquer, si notre accoutrement leur paraît aussi exotique !

Enfin il règne ici une atmosphère très british au sens « faux-cul » ou raffiné suivant la sensibilité de chacun, qui se manifeste par les nombreux avertissements écrits ou oraux que l'on peut recevoir ici ou là. Du style : « Nous avons un chien, s'il vous plaît, ne vous faites pas mordre » ce qui se traduirait chez nous par un écriteau « chien méchant » sous entendu « le premier qui touche à ma clôture se fait bouffer la main par mon pittbull ». Ou encore, comme nous l'ont aimablement signalé deux ladies en montant dans leur voiture : « ne restez pas là, les voisins pourraient s'inquiéter de vous voir et appeler la police ». Elles ont démarré après que nous ayons terminé de prendre la photo du paysage et repris notre chemin. Il semble qu'elles n'aient pas prévenu la police car nous n'avons pas été inquiétés...


 

 Hamilton - Un autochtone reconnaissable à son élégante tenue vestimentaire

 

 Hamilton - Gaffe ! Y roulent tous à gauche...

 

 Hamilton - Jeunes adolescents faisant l'école buissonière 

 

 Saint Georges - Y a du laisser aller, le polo dépasse 

 

 Euh... là aussi .... 

 

Au mouillage, plutôt des beaux bateaux dont un yacht Baltic de 37 mètres (Canova) battant pavillon des Bermudes, gamme en dessous un Super Maramu 2000 (Guma) habité par une famille normando-picarde déjà croisée à Santiago de Cuba, et même un vieux langoustier en bois battant fièrement pavillon breton (Bro Warok). Nous y reviendrons...

Le mouillage est vaste et nous l'avons visité, surtout de nuit ! Dérapage d'ancre à deux reprises au cours de la nuit, à l'occasion du passage d'une queue de perturbation tendance tropicale. Ça ne donne probablement même pas le début du commencement d'une idée de ce que doit être le passage d'un cyclone dans les environs... Le lendemain matin, on a empennelé une deuxième ancre.

Vent ou pas vent, les paroles s'envolent et l'ancre coule.

 

 

 Zéro, sous son meilleur profil

 

Saint Georges 

 

 Saint Georges - Batiment des douanes

 

Infos pratiques :

droits douane : on a payé 140$ sans connaître le détail

trajet bus 4$, carte de 15 tickets pour 30$ ; on peut payer son trajet en espèces dans le bus mais les chauffeurs n'ont pas de monnaie.

La superette de St Georges accorde 5% de remise aux voiliers ; il suffit de s'y présenter en tant que tel lors du passage en caisse.

Les dollars US fonctionnent aux Bermudes, parité équivalente, comme aux Bahamas.

 

 

Fin de l'article.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



25/06/2012

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