En Ecosse – Mercredi 31 juillet 2013 – De Traigh Gheal (Isle of Mull) à Cragaig (Isle of Ulva) – 18 milles
Sale nuit ! Peu de vent, mais de la houle. Juste ce qu’il faut pour faire rouler Zérø et grincer toutes ses cloisons. Pas régulière. Toutes les minutes ça ralentit au point qu’on a l’impression que ça se calme enfin et ça reprend de plus belle. Après quelques dizaines d’heures à basculer d’un bord sur l’autre, la meilleure position s’avère être semi assis, adossé dans l’angle de la cabine, rembourré par une couette pliée en huit. Le sommeil arrive enfin. Et c’est le moment où l’alarme de mouillage se déclenche. Jaillissement du sac de couchage, où sont les lunettes ? la frontale ? Déboulé dans le carré en évitant miraculeusement de me fracasser la tête dans l’encadrement du hublot central et les tibias dans la troisième marche. Pour découvrir que c’est juste le positionnement GPS qui a dérapé de deux cents mètres à l’extérieur du cercle de sécurité. Le bateau n’a pas bougé. Les rochers non plus. Fausse alerte. Tout est normal. Je peux regagner ma couchette qui roule de plus belle.
Le lendemain matin, tout est calme et un bon petit vent nous permet de hisser les voiles. Nous contournons la pointe sud-ouest de l’île, le Ross of Mull , bordé d’un fouillis rocheux qui offre un mouillage nommé « Tinker’s hole », probablement extraordinaire mais réservé à un temps idéalement calme. On le garde pour une autre fois.
En passant devant l’île d’Iona, on se dit qu’étant partis de bonne heure, on a du temps devant nous et pourquoi ne pas s’offrir une petite pause et aller y faire un tour. D’autant que ça semble délicieusement charmant. Une grande église et quelques maisonnettes groupées autour d’un quai permettant à l’inévitable ferry Mac Brayne (petit modèle) d’accoster. Celui-ci ne fait que la navette avec Mull, traversant le Sound qui sépare les deux îles en quelques minutes. Aussitôt dit, aussitôt fait, on mouille l’ancre en prenant garde à la zone des câbles sous-marins qui relient les îles et on file à terre.
Un B&B charmant et sa pelouse accueillante, un minuscule bureau de poste et sa voiture rouge, un petit hôtel face à la mer composent un lieu de villégiature délicieusement tranquille. Une petite rue sépare les maisons de leurs jardins magnifiquement fleuris qui descendent jusqu’à la mer. Elle se termine par un portillon destiné à empêcher les moutons d’envahir le village et le chemin continue dans les prés en direction de l’église qui est en réalité une cathédrale. Nous arrivons par derrière un imposant édifice en pierre de granite devant lequel un groupe de personnes se presse autour d’un conférencier. A l’église s’adossent plusieurs corps de bâtiments qui entourent un cloître de toute beauté. De nombreuses pancartes explicatives numérotées jalonnent un itinéraire de visite menant à une boutique qui propose toute la gamme des souvenirs, de la carte postale à la casquette de tweed en passant par tous les opuscules imaginables sur l’histoire de saint Colomba et la restauration de l’abbaye. On ressort par l’entrée principale, celle de devant, sans avoir payé l’entrée ni restitué les casques audio puisqu’on en a pas. Les bons français… A peine sortis, nous apercevons une autre boutique de souvenirs, cadeaux, art pictural et artisanat local que nous dédaignons, pour repartir en direction du village. Deux cents mètres plus loin, une autre et encore une près du quai. Il s’avère que le site est universellement connu et doit représenter un lieu de visite et de pèlerinage important en Ecosse.
La navette vient juste d’arriver et une nouvelle cargaison de visiteurs se déploie en direction du self service pour grignoter un bout, de la cinquième boutique de souvenirs qui lui sert de vis-à-vis et de la cathédrale, aboutissement de leur périple.
Finalement, le lieu est moins authentique qu’il n’en avait l’air !
En reprenant notre route vers le nord, nous apercevons le quai d’embarquement côté Mull, dont les abords sont encombrés par des dizaines de voitures et même plusieurs cars de voyageurs. Cette abbaye est une vraie bénédiction pour les habitants de l’île d’Iona. La manne touristique leur tombe du ciel tous les jours, au moins l’été. Et saint Colomba fut un sacré visionnaire pour avoir planifié cette réussite commerciale avec mille quatre cent cinquante d’avance. Si ce n’est déjà fait je pense que l’on pourrait baptiser la prochaine promo HEC à la mémoire de ce bienfaiteur ( ?) d’Iona.
Le vent décroit et nous terminons au moteur, pour ne pas changer, sous un ciel gris. C’est encore un mouillage de rêve que nous découvrons, entièrement protégé derrière une barrière d’îlots rocheux recouverts de verdure, sous les montagnes granitiques de la petite île d’Ulva. Un phoque curieux vient montrer le bout de son nez. Le ciel reste gris mais le soleil brille au loin. Son coucher enflamme les îles et une averse fait naître un magnifique arc en ciel qui vient mêler ses couleurs à cette lumière surnaturelle.
On est bien garés…
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